2006

Points de vue sur la forêt amazonienne: chamanisme et traduction

por Manuela Carneiro da Cunha

II y a tout juste 90 ans, Robert Hertz publiait son essai sur la mort. “La société”, écrivait Hertz, “voit dans la perte de ses membres … ” Quelque chose nous choque dans ces phrases, cette façon toute durkheimienne de promouvoir la Société au rang de Sujet. Elle n’est plus d’usage et pourtant quelle bonne époque que celle où nous pouvions, nous autres anthropologues, et l’Occident en général, postuler l’existence d’une totalisation donnée a priori. Si tout cela est mort et enterré une première fois, les doubles obsèques qui signalent un renouveau n’ont cependant pas encore eu lieu et certains se débattent toujours dans un interminable deuil qui ne permet plus de parler anthropologie. Ce que l’on appelait “culture” dont le Sujet était la “Société” s’est effrité. Est-ce à dire qu’il n’y a aucun système hormis celui qu’y projette l’anthropologue naïf? Anne-Christine Taylor, dans une analyse très fine et très féconde qui développe des idées, entre autres, de Mamice Bloch (1992), a mis l’accent sur l’existence de ces théories implicites partagées, fondées sur une circularité de prémisses et de pratiques qui, sans jamais être exprimées dans un discours (si ce n’est celui de l’anthropologue), parce qu’elles font référence les unes aux autres, deviennent en quelque sorte “évidentes” (A.-C. Taylor, 1995). La construction, dans un cadre social, de ces synapses, ces rapports d’évidence et de renforcement réciproque produirait cette synthèse particulière qu’est une culture. Et pourtant – et Anne-Christine Taylor met le doigt sur la question (p. 213: Nº 4) – quelle garantie y a-t-il que ces rapports s’intègrent et qu’il y ait cohérence relative entre des points de vue séparés? Ce souci, j’essaierai de le montrer, n’est pas seulement anthropologique, il est inhérent à tous les problèmes de traduction, partout où ils se posent.

Je voudrais ici aborder ces thèmes à partir d’un phénomène qui, quoique vieux de quelques siècles, nous apparaît encore comme un paradoxe.

On a souvent remarqué l’extraordinaire floraison du chamanisme en situation de domination de type colonial, ou plus exactement lorsque des peuples sont pris dans les engrenages du système mondial. Au Mexique, chez les Tupinamba, sur le Vaupés et dans tout l’Occident amazonien, pour m’en tenir à quelques exemples d’Amérique latine, la montée du chamanisme semble avoir co”incidé avec l’affaiblissement ou l’effondrement des institutions politiques et économiques de type dit traditionnel. Cette floraison, on l’a également remarqué, n’atteint pas que les peuples soumis. La clientèle des chamans est le plus souvent régionale, sinon plus large encore, sans distinction d’origine ethnique et cela est vrai depuis le début de la colonisation. Dès la fin du XVIe siècle, l’Inquisition au Brésil poursuivait les colons – certains d’ailleurs haut placés – qui suivaient des prophètes indiens des “santidades”. Ce seront de nos temps les groupes urbains de type new age. La montée du chamanisme peut donc se manifester à l’intérieur de certains groupes indiens, par exemple dans des mouvements millénaristes récurrents chez certains, mais elle se manifeste aussi en milieu urbain, le plus souvent – et c’est ma troisième remarque – avec des techniques faites de bric et de broc tout en se réclamant d’origines traditionnelles.

On a pu, et de diverses façons, mettre en rapport des formes d’organisation sociale, en particulier des formes d’organisation politique, et des formes de perception du monde. Turner (1988), par exemple, prenant appui sur les thèses quelque peu différentes d’Auerbach, a distingué des formes de conscience historique qui correspondent, l’une, à des organisations politiques autonomes (telle la polis grecque), l’autre à un ensemble politique plus complexe qui suppose domination et subordination (tels les Hébreux et les sociétés andines). Mais les formes concrètes que prennent par exemple ces structures, qu’elles soient de domination ou non, permettent, si on les regarde d’un peu plus près, de percevoir le mode par lequel s’expriment ces correspondances. Prenons le cas de la structure en réseau ou plus précisément fractale (au sens que lui donnent les ingénieurs, serts un peu plus large que celui des mathématiciens). De quoi s’agit-il? D’une organisation sociale et politique dans laquelle chaque unité est semblable aux unités qui l’englobent. Soit, prise par l’autre bout, une organisation telle que, du macro­politique au micro-politique, la même forme se répète: à quelque échelle qu’on la regarde, l’on verra toujours des unités du même type. C’est le cas par exemple des structures segmentaires décrites par Evans­ Pritchard pour les Nuer. Et c’est le cas, également, de l’autre côté du monde, des structures par lesquelles France-Marie Casevitz (1993), dans un remarquable article, décrit les Arawak sub-andins de la période coloniale. Des communautés autonomes et morphologiquement équivalentes peuvent se regrouper en unités plus vastes dont elles partagent cependant la forme. De la famille étendue à l’unité locale, de celle-ci à l’unité régionale, définie en général parle fleuve ou le tronçon de fleuve, de l’unité régionale à la province, de celle-ci à l’ethnie et à la “nation”, chacune de ces unités revêt la même forme. Tant et si bien que I’espace reflète cet état de choses par la réitération des toponymes, une même cartographie se retrouvant partout sur le vaste territoire des Arawak sub-andins. Deux lieux font cependant exception dans cette cartographie fractale: le pongo Maenike, “haut lieu du chamanisme … [et] rendez-vous de ‘voyages’oniriques ou narcotiques”, écrit Casevitz (1993: 27), et le Cerro de la Sal, source de ce sel qu’on utilisait à la fois comme denrée et comme monnaie. Un commerce historiquement très actif, fondé sur le monopole du Cerro de la Sal par les Arawak, explique son statut de lieu particulier, point de convergence économique et politique. A l’intérieur du réseau commercial, et à I’exception des Piro, la paix prévaut: à l’extérieur, surtout à l’encontre des Pano de l’inter­fleuve, c’est la guerre, ou plutôt des raids saisonniers. Le commerce se fonde sur des partenariats tout au long du réseau. Quant à la guerre, elle permet de mobiliser au pied levé de trois à cinq mille hommes d’armes dans une coalition qui ne repose sur aucune hiérarchie politique (Renard-Casevitz, 1992 et 1993).

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les pans de ce systmèe s’écroulent un à un. C’est d’abord, à partir des années 60, I’arrivée du commerce blanc dans le Maranon et puis dans l’Ucayali: les Pano riverains, partenaires essentiels des Arawak, abandonnent le circuit du sel et se rattachent aux nouveaux réseaux commerciaux. C’est ensuite le début de l’ère du caoutchouc et la perte du contrôle par les Arawak des gisements de fer. Et c’est enfin, au tournant du siècle, la saisie du Cerro de la Sal par l’Etat péruvien, après une résistance animée par un de ces nombreux messies qui peuplent l’histoire ahaninka: résistance armée et éphémèrement efficace, qui mit en déroute la Peruvian Company, la compagnie anglaise ayant obtenu la concession du sel. La paix entre tous les partenaires commerciaux, Arawaks et Pano riverains compris, se brise: les “Campa” sont pris dans I’engrenage du caoutchouc soit comme chasseurs d’Indiens, Campa ou non, soit directement comme esclaves (Fr.-M. Renard-Casevitz, 1992 : 206- 208). Dans le haut Juruá, ceux qu’on appelait Campa dans la région jusqu’à très récemment ont ainsi participé, aux côtés des “patrons”, au combat contre les Pano de la région, Kashinaua, Yaminahua, Poyanaua et cet ensemble composite connu sous le nom de Katukina (Erikson, 1993).

Le nouveau système mis en place, remarquons-le, est lui aussi de type fractal. Car c’est là l’essence même du réseau de crédit et de production du caoutchouc. Prenons l’exemple du Juruá, qui a l’avantage de fournir une image spatiale du réseau. Le Juruá, fleuve le plus tortueux du monde, ayant plus de méandres que le Mississipi, est un cas extrême, en ce sens que, sur ce bassin, contrairement par exemple au Purus, le commerce se faisait uniquement par voie fluviale, de sorte qu’ici le système épousait la géographie même: les négociants anglais avançaient les marchandises aux négociants de Bélem, qui les repassaient à ceux de Manaus, qui les fournissaient aux “patrons” des fleuves caoutchoutiers, qui en approvisionnaient leurs sous-patrons, qui les cédaient à leur tour à leurs propres sous-patrons, le tout s’achevant par des avances en marchandises faites aux seringueiros. Toute cette chaîne était fondée sur l’aviamento, le crédit et la dette, chacun; sauf aux extrémités (c’est-à-dire le menu fretin des sources et les gros poissons de Belém et de Liverpool), étant créditeur de quelqu’un en amont et débiteur de quelqu’un d’autre en aval. Dans ce cas particulier, le réseau fractal recouvrait la fractalité des fleuves mêmes, chaque dépôt, chaque factorerie se situant à l’embouchure d’un affluent. L’emplacement du dépôt permettait donc d’identifier d’emblée à la fois débiteurs et créditeurs, le petit patron à l’embouchure du Machadinho prenant ses marchandises à crédit chez celui qui contrôlait l’embouchure du Riozinho, lequel lui-même s’approvisionnait à l’embouchure du Tejo (M. Almeida, 1992).

Chacun donc, sur ce réseau dont il ne percevait nécessairement qu’un fragment, avait somme toute une prise, fondée à bon droit sur l’idée que le tout était semblable à la partie dont on pouvait avoir l’expérience locale.

Mais la ressemblance formelle des deux réseaux, l’ancien et celui mis en place au XIXe siècle, risque d’oblitérer leur profonde différence, celle qui sépare un système égalitaire d’un système de domination. Sous l’ancien régime, tous les points de vue, à la fois homologues et indépendants entre eux, se valaient: il n’y avait pas de point de vue privilégié sur l’ensemble. Dans le cas de l’aviamento, structure d’ordre, le crédit et la dette étaient transitifs: ils se transmettaient entre négociants, patrons, sous-patrons et seringueiros. Si bien que l’aval avait, sur ce qui était en amont, un point de vue relativement “plus général”. Chaque patron· ou sous-patron embrasse pour ainsi dire du regard l’ensemble des ramifications et des capillarités des fleuves et affluents jusqu’au moindre igarapé qu’atteignaient ses marchandises et qui, en retour, le fournissait en caoutchouc. A chaque embouchure de fleuve, le point de vue, tout en restant particulier, devenait ainsi plus englobant. La généralité du point de vue, quoique celui-ci fut formellement équivalent à tous les autres, augmentait donc d’arnont en aval.

C’est là, à mon avis, ce qui explique ce déplacement noté par Peter Gow (1996) et par Taussig (1987) de la source des pouvoirs chamaniques. Chez les Piro et les Campa du Bas Urubamba, mais de façon plus générale, dans tout l’Occident amazonien, Gow (1996 : 96-7) remarque le statut supérieur dont jouissent chez les Indiens les chamans des villes (qui se réclament pourtant de stages en forêt sous l’égide de chamans indiens) par rapport à leurs confrères sylvestres. II me semble qu’il faudrait, suivant en cela les Indiens et les seringueiros, distinguer des sphères de compétence. Chez les Kaxi du Jordão, par exemple, plusieurs guérisseurs continuent d’opérer sur ce qu’ils définissent comme leur domaine spécifique, domaine qui exclut tout ce qui (de façon parfois ad hoc) tombe sous la rubrique de maladies des Blancs. Avec cette mise au point, la remarque de Gow peut s’appliquer aux bassins du Juruá et du Purus : dans son domaine d’application, l’aval a davantage de pouvoirs chamaniques que l’amont. Chez les Kashinaua du Tarauaca, on craint le pouvoir des Kulina en aval; chez les Kahinaua du Purus, le prestige chamanique de Nito, un Cariu, c’est-à-dire un Blanc, dont les esprits familiers sont un chaman kulina décédé et l’Esprit-Saint lui-même (C. McCallum ms.). II semble donc que ce soit ici non pas tant le métissage (auquel Gow attribue un statut “historique” particulier) qui justifie le prestige chamanique que la position relative sur le réseau fluvial – métaphore d’une position relative dans le degré généralisateur du point de vue particulier. Le métissage ne serait somme toute qu’un avatar, sur un code tout à la fois génétique et historique (Gow, 1991) du même souci: celui de la synthèse de l’expérience locale et du point de vue général. II ne faut pas, en effet, prendre à la lettre l’amont et l’aval, qui ne sont que le code géographique sur lequel s’imprime un problème d’ordre général. Ce problème, la totalisation des points de vue locaux, cet “accord des points de vue singuliers”, vieille question que Michel Serres et Gilles Deleuze retrouvent chez Leibniz, on la retrouve encore sous une autre forme. Les chamans, on le sait, dans tout l’Occident amazonien sont des voyageurs par excelence (voir par exemple Chaumeil 1983). Sous l’effet de l’ayahuasca[1] ou d’autres hallucinogènes, ils ont tout vu. C’est pourquoi rien ne les étonne. Des voyages plus conformes à notre définition usuelle, rehaussent cependant leur prestige ou même remplacent, du moins dans plusieurs exemples pano, un apprentissage de type traditionnel. Crispim, un Jaminaua du haut Bagé, fut pendant des décennies et jusqu’à sa mort, au début des années 80, le plus réputé chaman du haut Juruá auprès tant des Indiens que des seringueiros. On raconte qu’élevé par un parrain blanc qui l’aurait emmené au Ceará et, après un assassinat où il aurait trempé, à Bélem, où il aurait fait des études, il serait retourné dans le haut Juruá. Pour Crispim, sa réputation chamanique se justifie par son séjour et ses études en deux lieux particulièrement significatifs: le Ceará (à quelque quatre mille kilomètres de là) d’où sont issus presque tous les seringueiros de la région, et où désormais les Cahinaua du Purus placent la racine du ciel (McCallum, 1996 : 61) et Bélem, l’un des tout derniers maillons du réseau du caoutchouc. Il n’est pas non plus indifférent que Crispim, retourné chez les siens et s’établissant dans toute la région comme un puissant chaman, ait élu résidence à l’endroit appelé Divisão, “partage des eaux”, c’est-à-dire aux sources mêmes de six bassins fluviaux distincts: celui de l’Humaitá, du Liberdade, du Gregorio, du Tarauacá, du Dourado et du Bagé. De sorte que Crispim, élevé le plus en aval possible, s’établit le plus en amont qui soit: placé à souhait pour incarner le projet de jonction du local et du global. Et c’est en ce sens que Crispim est un traducteur. On l’a souvent dit: les chamans, voyageurs du temps et de l’espace, sont des traducteurs et des prophètes (par exemple K. Kensinger, 1995). Encore faut-il s’emendre sur la portée de cette identification. Sans doute, il leur revient d’interpréter l’inoui”, d’assigner à l’inédit une place intelligible, une insertion dans l’ordre des choses. Mise en place qui ne va pas sans contestation et qui est souvent l’objet d’après disputes qui relevent de la politique interne autant que des systèmes d’interprétation. Fallait-il voir chez les guérilleros du MIR-Tupac Amaru en 1965 l’Inca revenu pour renverser l’ordre du pouvoir? Aux chamans ashaninka d’en débattre et d’en décider, sans d’ailleurs qu’un consensus se soit apparemment jamais établi (Brown et Fernandez,1991).

Cette façon de rendre le processus est cependant trop simple et semble manquer l’essentiel. D’abord parce qu’il s’agit en fait de bien davamage qu’une simple mise en place et la traduction n’est certes pas un acte simple de rangement, affaire de caser le neuf dans de vieux tiroirs. Il s’agit de réaménagement plutôt que de rangement.

Ensuite parce que le chaman semble être tout le contraire d’un nomothète. Au cours de ses voyages dans d’autres mondes, il suppute, il examine sous toutes les coutures et il se garde bien de nommer ce qu’il voit. D’où la suspension du langage ordinaire, remplacé par ces “mots tordus”, cet usage figuré et tout approximatif des chants chamaniques yaminaua, si bien décrits par G. Townsley. Comme s’il scrutait par tâtonnements, comme s’il approchait un domaine inconnu dont les objets ne se donnent que partiellement à voir, le chaman adopte un langage qui “rend” un point de vue partiel. Ces taches blanches sont­elles des branchies de poissons ou le collier d’un peccari? Et le poisson d’être appelé peccari. Il y a là sans doute un jeu dans lequel le langage manifeste dans son registre propre l’incertitude de la perception hallucinée. Mais il y a aussi une prise de conscience d’une relativité, de la vérité de la relativité (et non relativité du vrai) (Deleuze, 1988: 30). Car il n’est possible, dans ces mondes élargis, de voir que sous des perspectives particulières. “Avec des mots usuels, je m’écraserais sur les choses – avec des mots tordus, j’en fais le tour et les vois clairement” (G. Townsley, 1993: 460).

Nous touchons là, je crois, le fond du problème. Qu’est-ce, en effet, qu’une traduction? Ce n’est pas, dira Benjamin, ce qui rend fidèlement les objets désignés, puisque après tout les objets dans différentes langues font partie d’ensembles, de systèmes différents qu’expriment ce que Benjamin appelle les modes d’intention. Pain et Brot signifient tous deux le même objet, mais leurs modes de signification (intentio) diffèrent. La bonne traduction est donc celle qui est capable de saisir les points de résonance, de faire en sorte que l’intentio dans une langue se réverbère dans une autre. Mais si la chose est possible, s’il est faisable de trouver des échos d’une langue à une autre, alors il y a visée (et pour Benjamin, je crois, possibilité réelle) d’une langue absolue, le vrai langage.

La tâche du traducteur devient grandiose en ceci qu’elle est la recherche du vrai langage, dont les langues particulirèes ne seraient que des fragments (78), comme les tessons d’un vase qui, quoique différents entre eux, s’ajustent parfaitement pour rendre un ensemble qui les dépasse: l’ajustement des tessons atteste l’existence du vase. Il y a là une résonance – qui ne sera pas passée inaperçue aux ethnologues – avec le chaman de l’lntroduction à l’Œuvre de Marcel Mauss (Lévi-Strauss, 1950), à cette différence près que Lévi-Strauss, s’il croit bien à la visée, ne souscrit certainement pas à la réalité d’une langue adamique. Mais la transposition dans des codes différents de contradictions réelles, comme si à force de traduire, il était possible de les résoudre; la sensibilité douloureuse du chaman aux difficultés et aux pièges de ces passages entre des codes qui ne sont jamais tout à fait équivalents, n’est-ce pas l’écho même du travail du traducteur?

La synthèse originale, le système syntagmatique dans lequel il y a nécessité d’adhésion entre le son et le sens, dans lequel le sens et le son s’ajustent sans failles comme le fruit et sa peau (Benjamin, 1968), tout cela n’est plus. Ce qu’il s’agit de (re)construire c’est une nouvelle synthèse, une manière nouvelle de mettre en rapport des niveaux, des codes, de les faire résonner, de les faire se répondre, de sorte que ce monde nouveau prenne la consistance voulue pour qu’il devienne évident, qu’il aille de soi (Taylor, 1995). En somme, qu’il acquière un sens. Le sens n’est-il pas, au fond, la perception de rapports, un “réseau d’associations qui se renvoient les unes aux autres, semblable à un dictionnaire ou à une banque de données relationnelle”? Plus ces connexions se multiplient, et plus le sens s’enrichit (F. Crick et C. Koch, 1997 : 33). Formules de la neuroscience qui rappellent immédiatement la question ancienne de ce que “signifier” veut dire dans l’analyse structurale des mythes.

Cette tentative de reconstruction du sens, de nouer des rapports, de trouver des accointances, c’est le travail du chaman, sa sphère de compétence. Ce n’est donc pas la cohérence interne du discours qui est recherchée, sa consistance lui advenant du renforcement mutuel des plans ou il s’exprime, de l’habitus en somme.

Un exemple: chez les Shipibo-Conibo (A. Gebhardt-Sayer, 1986) des groupes pano riverains – on a distingué les mots des mélodies des chants chamaniques. Les mots, largement improvisés, déroulent un itinéraire, ils le jalonnent, ils en dressent le sens du parcours. Les mélodies, par contre, qui forment un corpus ne dépassant pas la trentaine, sont la traduction sonore de dessins, de motifs, les quene (kene), que le mattre de l’ayahuasca exhibe au chaman, et que celui-ci rend simultanément sur un code sonore. Code qu’il est possible de déchiffrer, puisqu’il peut être retraduit sous forme visuelle. On raconte (et peu importe si la chose est vraie) qu’anciennement, deux femmes, assises sans se voir de part et d’autre d’un grand vase qu’il s’agit de décorer, étaient capables, à l’aide des seuls chants, de peindre les mêmes motifs et deles faire se raccorder (A. Gebhardt-Sayer, 1986 : 210-211). Le chiffrage sonore des visions et leur déchiffrage permet d’obtenir ainsi des dessins immatériels, appliqués sur les malades qu’il s’agit de guérir, autant que des dessins matérialisés sur des vases, des tissus et des corps. Des arômes, enfin, ajoutent un code olfactif aux précédents, de telle sorte que “les sons, les couleurs, les odeurs se répondent”.

“Les Ashaninka, explique Carlito, considerent que le japiim (Cacicus Cela), que nous autres Kaxinawa appelons txana, est un puissant chaman. Ils aiment construire leurs villages à côté des arbres couverts de leurs nids, parce qu’ils croient que, lorsqu’ils prennent du cipo, de l’ayahuasca, l’esprit du japiim vient les aider à guérir les malades. Dans leurs chants de l’ayahuasca, les chamans ashaninka appellent les esprits du japiim et du japo, pour lesquels ils ont un grand respect… Quant à nous autres, kaxi, nous les appelons txana, et ce nom désigne aussi les principaux chameurs des rituels. Nous chassons le mâle chef de la troupe de japiins, nous lui enlevons les viscères et la chair et nous le faisons sécher au soleil ou sur le feu. On le suspend au dos des chanteurs et c’est excellent pour ouvrir la mémoire des chanteurs de Katxawaná et de Tirin. Ils apprendront plus facilement toutes les chansons et n’oublieront pas de les chanter en entier.” (Cataiano et Aquino, sous presse). Carlito est kaxinaua. II vend des glaces dans les rues de la capitale de l’Acre, Rio Branco, et travaille à l’occasion comme assistant auprès d’anthropologues et d’une ONG. Et il est aussi chaman, mêlant des techniques puisées chez les Yawanawa et Katukina du Gregorio et du Tarauaca, assorties de rituels d’origine plus ou moins afro-brésilienne, appris à Bélem et à Manaus. Sa pratique consiste dans sa propre grande familie et d’une clientèle d’anciens seringueiros des quartiers les plus pauvres de Rio Branco. Tout cela ne nous surprend plus. Pas plus que ne nous surprend sa connaissance des croyances chamaniques ashaninka et son relativisme.

En effet, les Ashaninka du haut Juruá, ont pour toute la famille des oiseaux tisserands – les japos – une considération toute spéciale. Les oiseaux tisserands dans leur ensemble (qui recouvre la famille des lcteridae) som appelés du nom générique txowa, qui désigne aussi une espece particulière, le Psarocolius sp. Tous les japos sont humains. Chacun le perçoit, puisqu’ils vivent en société et qu’ils tissent, tout comme les Ashaninka. Mais c’est aussi ce qu’attestent les chamans qui les voient, eux, sous l’effet de l’ayahuasca, de façon adéquate. Ils vivent à la façon des humains, ils cultivent le manioc, ils boivent du kama-api (ayahuasca), ils boivent de la biere de manioc (caissuma). Ils sont même supérieurs aux humains en ceci qu’ils observent la paix intestine et vivent sans querelles. Ce sont les enfants que Pawa, le soleil, a laissés sur terre, ce sont les enfants de l’ayahuasca.

Parmi les oiseaux tisserands, le tsirotsi, ou en portugais le japiim (Cacicus Cela), occupe une place particulière et suscite un intérêt tout spécial. Les tsirotsi vivent en bandes de quelque trente oiseaux, particulièrement groupés, tissant leurs nids tout près les uns des autres sur un même arbre. Cet arbre, ils le choisissent tel qu’il abrite les nids de certaines guêpes ou de fourmis dont la morsure est particulièrement douloureuse. C’est là, dit-on, leur police, qui les protège de leurs prédateurs, comme par exemple la sarigue. Les tsirotsi sont pacifiques et ne deviennent féroces que lorsqu’il s’agit de défendre leurs œufs blancs tachetés de la convoitise des toucans et des araçaris. Le mâle et la femelle veillent ensemble sur les œufs, mais seule la femelle travaille, tandis que le mâle chante. Tout cela n’est pas bien exceptionnel pour des oiseaux tisserands. Ce qui l’est, en revanche, et distingue les tsirotsi de tous les oiseaux, c’est qu’ils sont censés imiter les appels et les bruits qu’ils entendent, que ce soient les chants des autres oiseaux, le tambour des Ashaninka, les aboiements des chiens, les pleurs des enfants (Moisés Pianko et Margarete Mendes, sous presse).

Les chamans ont un lien tout spécial avec le tsirotsi, le japiim. Cet oiseau est, comme dit Carlito, un puissant chaman. Les tsirotsi (ou tsirotz), d’après une histoire recueillie chez d’autres Ashaninka par E. Fernandez (1986: 70 ss.) sont même les descendants de chamans, que le personnage mythique Avireri, celui qui transforma en animaux certains Ashaninka, mua par distraction en oiseaux. Ces chamans père et fils – savaient imiter tous les cris d’animaux et étaient par conséquent de grands chasseurs. Le fils épousa une femme aux yeux bleus: tous leurs descendants eurent les yeux bleus, eux aussi.

Voici explicité le rapport chaman – chasseur par l’intermédiaire du japiim. La particularité du japiim, celle de mimer les appels d’autres animaux, est mise au service de la chasse. C’est ainsi, en effet, que procède le bon chasseur: il feint d’utiliser un langage qui n’est pas le sien, un langage de séduction, celui par lequel les mâles et les femelles s’attirent. Le rapport de la chasse et de la séduction est un thème typiquement amazonien (voir par exemple Descola 1986), mais ici ce thème s’incarne dans un langage qui ne communique pas, ou plutôt dont le seul message est l’appel qui attire, qui séduit. C’est un appât. Un son sans un sens, un son à sens unique.

Le japiim parle des langues qui ne sont pas les siennes, des langues étrangères qui, chez lui, ne communiquent rien si ce n’est la séduction et la prédation. Il est un pont illusoire entre des formes d’être. Dans le monde animal, il correspond à cette échelle chamanique qui joint des mondes coupés entre eux. Il est remarquable qu’en l’absence du personnage japiim, utilisé à d’autres fins chez les groupes pano des forêts, la même association entre chants chamaniques, mimétisme sonore et chasse soit présente chez les Yaminahua du Pérou (G. Townsley, 1993 : 454).

Il semblerait que la conscience du démantèlement d’un ordre qui relève du paradisiaque soit exprimée dans quasiment toute l’Amazonie, surtout chez les peuples qui décorent de motifs leurs tissus, leurs poteries ou leurs paniers, dans l’histoire de l’anaconda primordial, dont le corps et ses bigarrures sont à l’origine de tout le répertoire de dessins[2]. Dépecé dans la cosmogonie du Vaupés, décomposé en dessins discrets chez les Pano et les Arawak, l’anaconda semble être le foyer virtuel d’une unité à jamais perdue. C’est à présent le multiple qui règne: chez les Kaxi (Kensinger 1995, Lagrou 1996) des âmes dispersées dans le corps, dans l’œil, dans les excréments; des savoirs qui résident dans les mains, le sexe, la peau, les oreilles (K. Kensinger 1995 : 237 ss. McCallum 1996b: 355 ss.). Chacune de ces instances ayant un point de vue divers, c’est le corps de l’homme vivant qui assure, de façon toute transitoire, l’enveloppe de ces perspectives singulières.

Un principe semblable opère, on l’a vu, dans la pratique chamanique, ce qui n’est pas pour nous surprendre, étant donné la circularité à l’œuvre dans la constitution de schémas conceptuels. Son outillage ancien, ces échelles chamaniques qui lui donnent accès aux divers plans cosmologiques (Weiss, Chaumeil), son apprentissage, ses esprits familiers, ses techniques, il est probable que tout cela ne soit pas d’un grand secours au chaman dans le monde nouveau et que des montages d’autres techniques leur soient préférables. Mais il lui revient quand même, par devoir de métier si l’on peut dire plutôt que par l’outillage conceptuel ancien, de réunir en lui plus d’un point de vue. Car lui seul, par définition, peut voir de différentes façons, se mettre en perspective, assumer le regard d’autrui (E. Viveiros de Castro 1996). Et c’est pourquoi, par vocation, de ces mondes disjoints et alternatifs, incommensurables en quelque sorte, il est le géographe, le déchiffreur, le traducteur.

On voit donc que ce “perspectivisme” amazonien qu’Eduardo Viveiros de Castro (1996) a mis en relief dans un très remarquable article et dont il a tiré plusieurs implications se manifeste comme schéma sur toutes sortes de plans. Car le problème général du perspectivisme, celui que Leibiniz et Giordano Bruno ont eux aussi rencontré, c’est justement la question de l’unité, de l’enveloppe, de la convergence au sens mathématique de la série des points de vue. En somme, le problème de la traduction. II n’est sans doute pas fortuity que Leibniz et Benjamin avancent une solution semblable: ce qui permet la totalisation des points de vue singuliers et irréductibles, c’est la résonance, c’est l’harmonie (W. Benjamin 1968 : 79, 81; G. Deleuze 1988: 33). Nous dirions en Amazonie: c’est le chaman. Pourquoi, dira-t-on, tant d’efforts?

Marshall Sahlins, que je cite librement quoique avec son imprimatur, a remarqué qu’un des problèmes de la notion de globalisation ou de système mondial est que ce système n’en est un qu’au sens syntagmatique, c’est-à-dire, de fil en aiguille, mais non pas au sens paradigmatique. En d’autres termes, il y a peut-être système, mais il n’y a pas de culture qui lui corresponde (M. Sahlins). Malgré, en effet, l’extraordinaire diffusion des médias, il n’y a pas de culture globale. Les paradigmes, les synthèses, les correspondances de sens, se font à une autre échelle, d’ordre plus local. Mais comment avoir un point de vue local sur un processus qui vous dépasse, dont on ne contrôle pas les tenants et les aboutissants? Ce contrôle, de manière fantasmatique et à défaut d’autres instances, se réalise par la conjonction, que nous avons vue plus haut, entre ce qu’il y a de plus local et ce qui est le plus global: Crispim, élevé en aval, s’établit aux sources, au partage des eaux. Le local garde ses pouvoirs, il est même à la source des plus grands pouvoirs, et c’est là que les chamans urbains iront le puiser. Une fois encore (A.-Chr. Taylor 1995), c’est en suivant les méandres de raisonnements apparemment contradictoires que l’on peut espérer faire se lever les paradoxes. Il revient donc au plus faible, à celui qui est le plus en amont dans la chaîne, au colonisé, à l’étranger, d’opérer une traduction privilégiée: c’est par lui que le neuf pénètre le monde (H. Bhabha 1994). Mais la vanité de l’entreprise demeure. Il me semble que l’on pourrait voir dans les efforts de traduction, de totalisation, que j’ai essayé de décrire, ce souci, toujours voué à l’échec, à quelque échelle qu’on se place, et pourtant toujours recommencé, de construire du sens.

Bibliographie

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Notes

  1. Ayahuasca est l’un des noms régionaux qui désigne une décoction hallucinogène présente dans tout l’Ouest amazonien, à base de Banisteriopsis spp.
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