2006

L’autre conquête: les huguenots au Brèsil (XVIe siècle)

por Frank Lestringant

Si l’aventure de la France Antarctique du Brésil (1555-1560), en dépit de sa brieveté, mérite de retenir l’attention, c’est qu’elle fait un peu figure de laboratoire. Elle inaugure une relation à l’autre, faite de tractations commerciales et de complicité, et invente un regard, où l’attirance l’emporte en définitive sur le mépris. En outre, elle condense à merveille les contradictions de la politique océanique de la monarchie française avant Colbert. L’occupation marginale du sol et la faiblesse du transfert démographique entraînent le risque de l’ensauvagement. Les ligues d’amitié avec les sauvages ne perdurent qu’en raison directe de cette présence discrète et éparse, qui pèse peu sur le milieu ambiant.

L’originalité de cette expérience tient en outre au fait que la question religieuse fut l’une des causes premières de l’échec colonial. La controverse eucharistique qui connut un épilogue tragique en 1558 avec la mort des trois martyrs huguenots, annonce la grande cassure qui, à l’issue du colloque de Poissy, en septembre 1561, prélude aux guerres de Religion. Aux tenants de la Présence réelle et corporelle du Christ s’opposent les partisans d’une conception purement symbolique du sacrement, prêts à remplacer, le cas échéant, le vin par la bière de mil et le pain par la farine de manioc, les nourritures les plus communes chez les sauvages du Brésil. Querelle byzantine, dira-t-on, et pour le moins incongrue, en une région du monde où elle eut pour toile de fond la forêt tropicale et pour témoins d’authentiques cannibales, dont on imagine après coup la surprise et l’incrédulité. La dispute posait en fait une question anthropologique essentielle et revenait à s’interroger sur les fondemems mêmes du christianisme: comment la “vraie” religion avait-elle pu triompher de la malédiction originelle, cette contrainte du sacrifice généralement observée à travers le monde, en particulier chez les peuples les plus éloignés de nos contrées? De quelle manière surtout elle paraissait près d’y retomber à tout moment, en dépit de l’Évangile de paix et d’amour qu’elle avait le devoir d’annoncer à la terre?

En aval, l’expérience huguenote au Brésil nourrit, par le truchement de Marc Lescarbot et d’Antoine de Montchrestien, la réflexion économique et coloniale du XVIIe siècle. À cet égard, la Nouvelle­ France de Champlain, au même titre que la Nouvelle-Angleterre des Puritains, est fille des colonies perdues du Brésil.

Sans vouloir reprendre un historique déjà retracé ailleurs[1], je me bornerai ici à évoquer les présupposés théologiques de cette étrange “conquête”, une conquête d’un lustre à peine achevée en fiasco. Car la question théologique, constamment présente en toile de fond de la breve expérience de la France Antarctique, confère à l’expérience son universalité et, par un paradoxe apparent, son étrange modernité. Je recourrai dans ma démonstration à un témoin privilégié, le pasteur Jean de Léry, ci-devant cordonnier promu ministre de la parole de Dieu et l’un des deux principaux chroniqueurs de l’expédition.

I. LE PRÉALABLE EUCHARISTIQUE [2]

Fondée à l’instigation de l’amiral de Coligny, la petite colonie française, installée en novembre 1555 à l’orée de la baie de Rio n’avait pas tardé à rencontrer les difficultés habituelles à ce genre d’établissement. Sur l’îlot exigu qui porte aujourd’hui encore son nom et où il avait regroupé ses forces, par crainte d’une surprise des Portugais ou des Indiens hostiles, son chef, le chevalier de Malte Nicolas Durand de Villegagnon, cédait bientôt à la fièvre obsidionale. Non content de s’être aliéné les Tupinamba de la côte, alliés traditionnels des Français, mais que frappe, peu après l’arrivée des navires, une épidémie inexplicable, il impose de surcroît aux colons une discipline des plus rigoureuses. Soumettant des hommes à peine débarqués d’une navigation de trois à quatre mois à un régime de travaux forcés, dans le but de fortifier au plus vite le site occupé, il leur interdit tout commerce sexuel avec les belles indigènes, qui croisent nues dans leurs pirogues jusque sous les bastions du fort Coligny. À l’instigation des “truchements” français depuis longtemps acclimatés à la vie sauvage et qui jugent cette tutelle insupportable, une révolte éclate, durement matée par l’inflexible chevalier.

Dès ce moment, les truchements passent à la dissidence, entraînant dans une rébellion larvée les tribus amies des Français. Soumis à un siège intermittent, abandonné d’une partie de ses hommes qui préferent à la servitude insulaire les délices de la liberté primitive sur le continent, Villegagnon fait appel à Calvin, son ancien condisciple de la faculté de droit d’Orléans. En février 1556, il le prie de lui envoyer, depuis Genève, une seconde fournée de colons à la moralité plus sûre, d’authentiques chrétiens réformés pour remplacer le gibier de potence recruté dans les bagnes de Normandie et de Bretagne.

Quatorze Genevois seulement répondent à l’appel. Il ne s’agissait pas de bourgeois de la ville, attachés, on l’imagine, à leur sécurité matérielle, mais de réfugiés de fraîche date, courant d’un exil à l’autre, en quête de l’improbable terre de promission à l’abri des persécuteurs. Fuyant la captivité d’Egypte, les voici qui remplacent la mer Rouge par l’océan Atlantique et Canaan par le Brésil. Sur leurs pas, ou plutôt dans leur sillage, d’autres réfugiés tenteront de s’établir en Floride et, plus tard, dans la Virginie de Raleigh et en Nouvelle-Angleterre. Parmi ces ouvriers de la première heure sur le champ américain, Jean de Léry, un cordonnier natif de Bourgogne, et les pasteurs Pierre Richer et Guillaume Chartier. Ils débarquent le 7 mars 1557 en terre du Brésil et sont accueillis à bras ouverts, sur la grève de l’île Coligny, par un Villegagnon jovial en grand costume d’apparat, escorté de sa garde d’Ecossais. Les trois navires apportaient des vivres, du bétail et des semences. Cinq jeunes filles, sitôt mariées que descendues à terre, et des artisans venaient renforcer cette colonie de peuplement.

Cependant, le malentendu ne tarde pas à se faire jour entre Villegagnon et les nouveaux arrivants. Dès le dimanche 21 mars, jour où la Cène est célébrée pour la première fois “au fort de Coligni en l’Amérique”[3], Villegagnon manifeste un étrange comportement. Tout en faisant assaut d’orthodoxie réformée, il semble être resté papiste dans l’âme. Certes les deux “oraisons” qu’il prononce successivement à haute voix, les yeux tournés vers le ciel, expriment une violente aversion pour la chair. Elles affirment avec force la transcendance de Dieu, l’horreur du péché et l’impuissance fondamentale de l’homme à s’élever de lui-même au bénéfice de la grâce. Ce pessimisme anthropologique a des accents indiscutablement réformés, de même que l’insistance placée sur Jésus comme unique médiateur. L’anomalie vient de l’attitude de Villegagnon pendant ces deux prières publiques.

Il s’est agenouillé sur un carreau de velours, “qu’un page”, nous dit Léry, “portoit ordinairement avec luy”[4].C’est dans cette même posture qu’il reçoit ensuite le pain et le vin de la main du ministre.

Le calvinisme recommandait en la circonstance l’attitude la plus retenue et la plus neutre, ce que Pierre Chaunu a appelé le “non­geste”[5]. Les protestants communiaient debout ou assis autour d’une table, “comme à l’auberge”, diront leurs adversaires, et c’est ainsi que les représente une estampe satirique de 1585 dédiée au duc de Guise, le chef tout-puissant de la Sainte Ligue[6]. Certes le rite des églises réformées de France était plus strict: les fidèles formaient procession devant la table couverte d’une nappe où étaient disposés le pain et le vin. S’avançant en bon ordre, les hommes précédaient les femmes au cours de ce que le catholique Florimond de Raemond a pu qualifier, non sans ironie, de “Cene déambulatoire”[7].

Dès lors prévisible, la crise éclate, le jour de la Pentecôte 1557, alors qu’on célebre la sainte Cène pour la deuxième fois, par une controverse à bâtons rompus sur la Présence réelle. Refusant de se rallier à la conception symboliste du sacrement que défend le ministre Richer, Villegagnon estime que le pain et le vin sont “réellement changez au corps et au sang du Seigneur”[8]. On en appelle à l’arbitrage de Calvin, et Guillaume Chartier rembarque sur-le-champ pour l’Europe, afin de consulter l’oracle de Genève. Le divorce est inéluctable. Pierre Richer, le porte-parole des Genevois, a demandé à son interlocuteur de rejeter non seulement la transsubstantiation catholique comme “fort lourde et absurde”[9], mais aussi la consubstantiation ou impanation des luthériens. Pour Léry, qui traduit sans doute assez fidèlement la pensée du bouillant pasteur, ces dogmes barbares méritent d’être confondus avec l’omophagie des Ouetacas, les plus sauvages d’entre les sauvages, lesquels, comme chiens et loups, “mâchent et avalent toute crue” la chair de leurs ennemis[10].

L’lndien devient alors le seul recours pour la minorité huguenote chassée de l’île-refuge. Non pas l’Ouetaca incapable de cuire sa viande, mais le Tououpinambaoult ami, maître du feu de cuisine, qui tient table ouverte et y convie l’étranger de passage. De fait, la querelle eucharistique précipite l’éclatement de la colonie. En révolte contre Villegagnon qu’ils complotent de “jetter en mer”[11], bientôt réduits à célébrer leur culte de nuit pour éviter tout scandale, les calvinistes entament la grève de la corvée. Privés de nourriture, cette farine de manioc qui leur était chichement distribuée à raison de deux gobelets par jour, et survivant grâce au troc avec les indigènes de la baie, ils sont enfin contraints, au mois d’octobre 1557, de quitter le fort pour trouver refuge en “terre continente”, au lieu-dit la Briqueterie, dans la proximité immédiate des tribus anthropophages que le chef catholique redoutait tant. En janvier suivant, cinq des huguenots, renonçant à un départ hasardeux vers la France, prennent congé de leurs compagnons plus téméraires et retournent vers le “Caïn de l’Amérique”. Celui-ci les fait jeter aux fers, entreprend de les ramener par la menace au catholicisme et exécute par noyade les trois récalcitrants. Avant de connaître le sort qu’il a peut-être antérieurement souhaité à son bourreau, le coutelier Jean du Bordel, “le plus ancien et mieux instruit aux lettres, pour la connaissance médiocre qu’il avoit de la langue latine”[12], rédige à la demande de ses camarades la confession de foi recueillie ensuite dans l’Histoire des Martyrs du libraire de Genève Jean Crespin. Les circonstances le démontrent assez: le cannibalisme réel des Indiens Tupinamba est préférable à l’anthropophagie symbolique des catholiques de la colonie. Lorsque Villegagnon, au terme du débat sur l’Eucharistie, a donné aux calvinistes de vérifier in situ une similitude bien établie, les catholiques se sont avérés pires que les cannibales et incomparablement plus cruels.

L’affaire n’en reste pas là. Elle rebondit en France au début des années 1560. Dans l’intervalle, et en l’absence de Villegagnon retourné des 1559 pour justifier sa conduite auprès de la cour, la France Antarctique a été reconquise par l’armada du gouverneur portugais Mem de Sá. Le Brésil est perdu, la mission en terre lointaine abandonnée et les Indiens laissés à la perspective d’une probable damnation. Mais peu importe, à vrai dire, aux controversistes des deux bords, qui transportent leur arsenal théologique d’un continent à l’autre, indifférents au paysage et plus à l’aise, en définitive, à Paris, au milieu de la chrétienté et de sa culture livresque, que dans un pays sauvage où il faut emporter sa “librairie” avec soi, au risque de l’humidité et des insectes bibliophages. En quelques mois un déluge de pamphlets s’abat sur la place de Paris: Geneviève Guilleminot en a dénombré une trentaine pour la seule année 1561[13].

Trois thèmes parcourent cette controverse des plus vives: le Brésil, l’Eucharistie et la question plus politique de la répression des sujets pour cause d’hérésie. Le sacrement constitue sans nul doute le thème dominant. D’abord parce qu’il touche au plus profond la sensibilité de chacun, traçant une ligne de partage acérée entre sacrilège et sacré. De surcroît, sur le théâtre du Nouveau Monde, la dispute eucharistique a inopinément rencontré, réincarné dans le Brésilien du Rio de Janeiro, le modèle légendaire de l’anthropophage hérité de l’Antiquité et qu’Henri Estienne rappelait en tête de son Apologie pour Hérodote[14] pour caractériser l’étrangeté à son summum. Enfin et surtout l’Eucharistie concerne tous les étages de l’édifice symbolique de la société ancienne. Dans la religion traditionnelle, le sacrement est non seulement l’instrument et le signe visible du salut individuel, c’est aussi le symbole de l’union de l’Eglise, et par voie de conséquence le garant de la pérennité et de l’unité organique du royaume. Autour du noyau sacramentel, central et rayonnant, on trouve, disposés comme en une série d’ondes concentriques, les corps mystiques de l’Église et de l’État. C’est pourquoi la question eucharistique englobe ici les deux autres:

L’éclatement et la perte de la colonie, la rébellion des sujets ou, si l’on préfere, du point de vue huguenot, leur retranchement par l’eau ou le feu remettent en cause l’intégrité du corps mystique – ce corpus mysticum dont le “vrai corps” du sacrement (corpus verum) est en quelque sorte le signe visible, la forme tangible et présente[15].

La dispute trouve un premier prolongement quatre ans plus tard, lorsque éclate l’affaire du miracle de Laon, catholiques et calvinistes disputant à l’envi autour de la possédée Nicole Obry, habitée de vingt-­neuf diables, dont Legio, Astaroth, Beelzebub et Cerberus. Le 2 février 1566, un triomphe public est remporté par l’évêque Jean de Bours en pleine cathédrale, ou une estrade a été dressée tout exprès à proximité de l’autel, à portée du Saint-Sacrement. Alors que, du côté huguenot, pasteurs et médecins ont échoué en traitant la malheureuse par le moyen de diverses drogues, l’hostie opère, après quinze adjurations. Nicole recouvre, avec l’usage de son bras gauche paralysé, l’appétit et la parole. Les protestants de la ville crient à l’imposture, les catholiques à l’évidence du miracle[16]. S’adressant à l’Europe catholique et à son champion Philippe II d’Espagne, l’illuminé Guillaume Pastel se charge de donner à cette éclatante victoire sur le démon et les sacramentaires réunis la publicité la plus large. Le De summopere en latin, et, plus accessible aux foules dévotes, Le Miracle de Laon écrit en cinq langues et publié sous le nom du disciple Jean Boulaese, diffusent dans toute la catholicité cette preuve décisive de la présence réelle et corporelle. Dans un passage du De summopere, Pastel ironise sur l’argumentation qui naguère a été celle de Richer. Un certain Richer, “Richerius quidam”, porte-parole imprudent de Calvin, aurait maladroitement révélé – ou plutôt “vomi” – le fond de la pensée de celui­ci[17]. Cette “intention secrète”, c’est d’adorer la seule divinité, au mépris de l’Incarnation, tenant cette dernière pour nulle et non avenue. À l’inverse, Postel souligne, non sans un goût calculé de la provocation, la nécessité d’adorer “le sacrosaint cadavre” du Christ, “éternellement lié à la divinité qui l’habite physiquement”[18]. L’adhérence est totale et actuelle entre la divinité et le cadavre du Crucifié, partagé entre les fidèles lors du repas eucharistique. Aussi l’amour que l’on doit à Dieu et la dévotion que l’on porte au corps de son Fils bien-aimé, raide et sanglant, se confondent-ils dans la même adoration fervente. Rien ne peut plus séparer Dieu de la chair qu’Il a une fois revêtue, du monde où Il s’est un jour incarné. On touche là au fond du débat, et l’on comprend en retour la violence de la caricature du catholique en Cannibale. Outre qu’elle a l’avantage de rabaisser et de bestialiser l’adversaire, elle trahit l’horreur viscérale pour une religion qui insiste sur l’actualité de l’Incarnation au risque de diviniser la chair et, qui plus est, une chair présente sous les espèces répugnantes de la plaie vive, du cadavre et de la putréfaction imminente.

II. ALLÉGORIE DE LA RIEUSE

Le jeune Jean de Léry, sur le moment, est étranger à la querelle. Cordonnier pour quelques années encore et ne songeant guere à sa carrière future de pasteur, il a d’autres soucis que ces arguties théologiques et préfère s’imprégner, au cours de ses escapades en pays sauvage, des saveurs et fragrances de la forêt tropicale. Ce n’est que bien après son retour en France et une série d’épreuves qui le conduisent de Genève à La Charité-sur-Loire et de La Charité à Sancerre assiégée, à Sancerre affamée au temps des Saint-Barthélemy, qu’il publie son témoignage sur l’affaire. L’Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil ravive, en 1578, une controverse vieille de vingt ans. Léry n’innove guère du point de vue théologique, se bornant à résumer dans l’un des vingt-deux chapitres de son récit les principaux éléments de la dispute eucharistique au Brésil[19]. Après Calvin et Bèze, après Richer surtout qu’il a lu et relu, et qu’il démarque en plus d’un passage, Léry répete que, dans l’institution de la Cène par le Christ, “ces paroles et locutions sont figurées; c’est-à-dire, que l’Escriture a accoustumé d’appeler et de nommer les signes des sacremens du nom de la chose signifiée”[20]. Adepte d’une lecture rhétorique de l’Évangile, c’est un partisan des tropes, ou, comme l’on disait plaisamment, un “tropiste”, et c’est dans cette perspective qu’il réécrit, avec verve et force détails pittoresques sur les “comportemens” de Villegagnon, l’historique de la discorde.

Or Léry fait de l’interprétation figurée chère à Calvin une application universelle. Dans les villages indiens du Brésil, lors du sacrifice des prisonniers, de la même manière que dans les temples de la nouvelle religion, lorsque les fidèles sont réunis autour de la sainte table et que le pain et la coupe passent de main en main, le sang n’est pas du sang, mais un signe, la chair n’est pas une viande, mais une métonymie de viande. Le plus surprenant, c’est que la réduction métonymique (“le signe pour la chose signifiée”) va s’appliquer au Brésil à une anthropophagie réelle et non plus symbolique. Que, sous l’influence du repas eucharistique, le banquet rituel des Indiens puisse être interprété comme un processus de signification n’empêche pas qu’il soit effectivement consommé. N’en déplaise à Léry, le signe, à ce moment, coexiste avec la chose et lui est étroitement joint. Tel n’est pas le moindre scandale que cette jointure ou ce “mélange”.

Anthropologue avant la lettre plutôt que théologien, Léry met en résonance la controverse eucharistique avec toute la réalité charnelle des tropiques. La Cène retrouve sa place en plein air, sous le ciel piqueté d’étoiles, dans l’isolement protecteur de la nuit. Loin de Villegagnon et de son idolâtrie, à l’écart de l’île où réside l’ogre persécuteur, la communauté des croyants s’est réfugiée au cœur de la forêt primitive, dans le voisinage des tribus amies. C’est là que, renonçant à tout faste inutile, dans le dénuement d’un exil deux fois renouvelé, elle sert “librement et purement” Dieu, conformément à son vœu de toujours[21].

Il se peut qu’avec ses camarades de l’île Coligny, Jean de Léry invente alors la robinsonnade. Par la volonté de Villegagnon, on avait refondé l’Église nouvelle dans une île. Mais cette île exigue et stérile s’est vite dégradée en Malte assiégée et bient t en Babel divisée. Il faut transponer ailleurs ses pénates et ses lares. L’Église militante émjgre en terre ferme, reconstituant en pays sauvage l’insularité propice. A la fin d’octobre 1557, moins de huit mois après leur arrivée, les quatorze huguenots chassés de l’île-refuge se retrouvent sur le site de la Briqueterie, clairière argileuse ouverte sur la baie et bordée de huttes de palmes. La communauté des croyants vient de rejoindre son lieu naturel où elle connait, avant les orages du retour, deux mois d’une paix évangélique, vivant en parfaite harmonie avec les Indiens du voisinage.

Comme l’expliquera le ministre Pierre Du Moulin, auteur, en 1618, d’un traité, De la vocation des pasteurs, qui précede d’un siècle tout juste le Robinson Crusoé de Daniel Defoe, l’élection du chrétien réformé se révèle lors d’une séparation brutale, de celles qui résultent d’une tempête ou d’un naufrage. La crise eucharistique du printemps 1557 est comparable en intensité à ce genre de cataclysme. Imaginons, nous dit Du Moulin, un fidèle “porté seul par naufrage ou autrement en quelque isle barbare”, exactement comme Robinson plus tard, et qu’ayant appris la langue des indigènes, il se mette à les instruire dans la religion chrétienne, “et qu’à sa parole plusieurs se convertissent”[22]. Son devoir, bien sûr, est de dresser une église: le voici donc promu pasteur de facto. ll aura reçu à ce moment-là une sorte de légitimité transcendante qu’aucune Église, qu’aucune institution humaine ne lui auront conférée. Comme le naufragé imaginé par Du Moulin, comme plus tard Robinson instruisant Vendredi, Léry et ses compagnons n’ont de comptes à rendre qu’à Dieu.

Au rebours de ce qui se passe dans l’Église catholique, où l’ordination est transmise par un prêtre à un autre, la vocation pastorale est subite et inopinée. Telle fut l’alliance conclue dans le désert du Sinai: entre Moïse et Dieu. Par définition, cette grâce est imméritée. Même sans la caution du rite, la vocation vaut en vertu de l’efficace immédiate du Saint-Esprit, qui descend sur l’élu et l’emplit de sa force. Comme l’île du pasteur Du Moulin où celle de Robinson, La Briqueterie est un espace sans clergé ni hiérarchie, et dans lequel la volonté de Dieu agit directement à travers la communauté unanime des fidèles rassemblée autour du pasteur qu’elle s’est choisi.

Nous sommes aux derniers mois de 1557, et l’odyssée des “Genevois” touche à sa fin. Comme il n’y a plus pour célébrer la Cène ni pain ni vin – un seul verre pour une assemblée de quatorze -, il est question de substituer aux espèces traditionnellement reçues par l’Eglise la “farine de racine” et la biere de maïs, les nourritures les plus communes en usage au Brésil. Le raisonnement est le suivant: si le Christ en effet avait exercé son ministère “en la terre des sauvages” plutôt qu’en la Judée, il est vraisemblable qu’il eut institué la Cène au moyen du manioc et du “cahouin”, cette boisson dont le ferment n’est autre que la salive humaine[23]. En adoptant cette solution inédite, qui en son temps aurait reçu l’aval de Calvin[24], Léry conduit à son terme le processus de dissociation sémantique du sacrement. L’arbitraire du signe culmine dans cet avatar exotique de la Cène.

Mais parallèlement à ce processus d’abstraction, Léry fait appel aux réalités indiennes. Jusqu’alors, dans la controverse du début des années 1560, l’Indien n’était guère plus qu’une ombre en coulisse, un support allégorique commode propre à discréditer la religion de l’adversaire. Or Léry lui rend son corps et sa chair, et tout d’abord sa nourriture. Le problème en conséquence change de nature. Car à côté des aliments somme toute anodins, tels que mil et manioc, que mentionne Léry, il en est un autre beaucoup plus scandaleux, dont les Indiens et surtout les Indiennes raffolent: c’est bien sûr la chair humaine, la chair de l’ennemi prisonnier que les Indiens se partagent rituellement lors de leurs assemblées solennelles. Le dogme réformé a beau rejeter la chair dans la malédiction des origines, le fait est qu’au Brésil ce corps refoulé est partout, au cœur des pratiques religieuses, au centre des banquets festifs, et que dans chaque moment de la vie quotidienne il se manifeste sans détour et sans voile.

Il en va alors du sacrement comme du cannibalisme rituel et du cannibalisme comme de la nudité des Indiens. Tout est fait, dans l’éloquente démonstration de Léry, pour désamorcer la charge érotique contenue dans ces anatomies avenantes d’Indiennes rieuses et dont la plastique ne laisse rien à dire. “Car la nudité n’est pas seulement un état, c’est un message”, écrit le sociologue Jean-Didier Urbain à propos des exhibitions balnéaires d’aujourd’hui: “Elle se dit tout autant qu’elle se montre[25].” La difficulté pour le jeune Léry, bouillant de ses vingt-deux ans, mais déjà tenu en lisière par cette Parole impérieuse qui fera de lui un prédicateur inspiré, est qu’il ne possède la clef ni du rire des Indiennes ni de leur peau offerte aux intempéries de l’air comme aux caresses du regard. Pour conjurer cette présence par trop “brutale”, il va devoir l’interpréter. Comme le corps de l’autre est trop évidemment nu dans sa proximité chatoyante, force est de l’écrire, de le couvrir d’écriture comme d’un vêtement. La nudité radieuse de l’Indienne devient le support d’un texte, le tableau noir de génipat où les lettres blanches de la théologie vont déposer leur sceau rédempteur.

Plus tard, au pire moment des guerres de Religion, dans la ville de Sancerre assiégée où règne une extrême famine, Jean de Léry sera témoin d’un phénomène similaire[26]. Mourant presque d’inanition, les protestants en sont réduits à manger des parchemins détrempés et “glutineux” comme tripes. Or dans le plat se dessinent les caractères parfaitement lisibles d’un texte antérieur, archive ou acte de loi dont l’écriture indélébile est de la sorte ingérée. La lettre prévaut sur la chair, le signe sur la nourriture. De même, il suffit du désir de l’herméneute ethnographe pour que le corps opaque et dénudé de l’Indienne révèle – au sens photographique du terme – la présence d’un texte enfoui dans la chair et qui affleure bientôt sous l’épiderme. Ce texte, c’est celui du grand code de la nature, inscrit sur les corps amoureux comme il l’est dans les minéraux et dans les plantes. Des lors la nudité n’est plus nue. Elle signifie. Synonyme d’innocence première, elle devient le signe paradoxal de la chasteté et de la décence.

Une page de l’Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil décrit à merveille ce processus d’idéalisation, qui tire de l’altérité un prétexte allégorique. A ceux de ses lecteurs qui pourraient s’indigner de la nudité intégrale et quotidienne des jeunes Indiennes, estimant qu’une telle fréquentation “incite à lubricité et paillardise”, Léry est bien aise de répondre

[… ] que les attifets, fards, fausses perruques, cheveux tortillez, grands collets fraisez, vertugales, robbes sur robbes, et autres infinies bagatelles dont les femmes et filles de par deçà se contrefont et n’ont jamais assez, sont sans comparaison cause de plus de maux que n’est la nudité ordinaire des femmes sauvages[27].

Léry ne s’arrête donc pas à la nudité réelle de l’autre, qui, de toute évidence, le fascine. Il l’allégorise. Au-delà de “ceste nudité ainsi grossière”, comme il dit, il aperçoit autre chose, une signification qu’il reconnaît et où il se trouve en pays de connaissance. La nudité sauvage renvoie immédiatement à l’habit civilisé et en dénonce l’hypocrite séduction. De la sorte l’exaltation du nu exotique conduit à la satire misogyne des “sucrées” et coquettes de la vieille Europe. Dépassant le choc initial, l’allégorèse ramène aux sentiers battus d’une morale éprouvée et passablement conventionnelle. Non seulement le corps insolent de l’Indienne peut être accepté par les censeurs les plus sourcilleux, mais, ce qui importe davantage, il est, sinon innocenté, du moins neutralisé aux yeux mêmes du voyeur et témoin. Dans le même mouvement, l’autre est évincé au bénéfice du même. Le véritable objet du discours n’est plus le Brésil aux mœurs édéniques, mais la France corrompue et abâtardie des guerres de Religion, où les femmes mariées se parfument et se fardent comme des putains, n’hésitant pas à travestir la nature sous le mensonge flatteur du vêtement.

Sur cette voie moralisatrice, mais néanmoins scabreuse, qui concluira aux philosophes des Lumières, le père capucin Claude d’Abbeville, dès le début du siècle suivant, suit Léry avec une indéniable allégresse, comme en témoignent ces lignes consacrées aux belles de l’île de Maragnan, le Maranhão des Portugais:

Joinct que la difformité ordinaire ne donne pas peu d’aversion, la nudité de soy n’estant peut estre si dangereuse ny si attrayante que sont les attifets lubriques avec les effrenées mignardises et nouvelles inventions des Dames de par deçà, qui causent plus de pechez mortels et ruinent plus d’ames que ne font les femmes et filles Indiennes avec leur nudité brutale et odieuse[28].

Cependant Léry semble ne pas s’apercevoir que le signifié, jamais, n’abolit le signifiant. La nudité des Brésiliennes a beau dire autre chose que ce qu’elle montre, ici et maintenant, elle n’en subsiste pas moins, intacte, brûlante, tout à la fois révoltante et désirable. Allégoriser le nu féminin n’empêche pas que l’on puisse ensuite céder à la chair.

À vrai dire, l’Histoire d’un voyage est muette quant à l’éducation sentimentale du narrateur. Du reste, Villegagnon, par l’avis du conseil, avait fait “deffense à peine de la vie, que nul ayant titre de Chrestien n’habitast avec les femmes des sauvages”. Tout en approuvant sans réserve cette mesure draconienne, Léry ajoute, et la précaution peut paraître suspecte, que l’interdit proclamé par le chevalier de Malte fut si bien respecté par lui-même et par ses compagnons “que pas un seul ne le transgressa”[29].

L’impossibilité de la relation sexuelle avec l’autre, dont Léry ne saurait dire le désir ou le besoin sans le revêtir d’un sens figuré, trouve sa traduction dans le code alimentaire. C’est dans ces termes que se dit la transgression imminente de la loi. Par une nuit de fête et de beuverie, comme il séjourne dans un village du continent, Léry est réveillé par un Indien hilare qui brandit au-dessus de lui un pied boucané. Interprétant l’invite à manger comme une menace visant sa propre chair, il se réveille tout à fait de peur et tremble jusqu’au matin. Alors le truchement qui l’accompagne lui explique sa méprise et tout s’achève dans un éclat de rire général[30]. Cette scène à demi rêvée, qui se conclut par la mise à distance du tabou alimentaire, délivre l’une des clefs possibles de l’Histoire. Léry cesse d’avoir peur d’être mangé, ou, ce qui revient au même, de manger l’autre. L’impératif de la séparation absolue des corps s’effondre brusquement. C’est sans nulle appréhension désormais que, lors de la navigation de retour vers la France, comme la famine règne à bord, Léry envisage le sacrifice d’un de ses camarades – ou de lui-même, le cas échéant – à l’appétit de la collectivité. Le crime alimentaire n’aura pas lieu, mais son éventualité est posée avec un sang-froid hallucinant[31].

On voit qu’il ne suffit pas de dire avec Léry, ou plus tard Montaigne, que le cannibalisme “represente une extrême vengeance[32]. La représentation n’abolit pas l’acte en tant que tel. De même que l’Indienne continue d’être nue et de rire, bien après le petit sermon misogyne du digne pasteur qui l’exalte pour mieux condamner ses sœurs de France et de Genève, le cannibale a beau dire et parler, il parle la bouche pleine. Son attitude altière, ses harangues héroïques ne sauraient cacher le sang qui coule et la chair répandue, les reliefs affreux d’un festin bien réel.

S’il en va de l’Eucharistie comme de la nudité, c’est que la chair ici et là impose envers et contre toutes les interprétations son spectade déplaisant. La peur du nu comme la hantise de l’idole de la messe traduisent fondamentalement la même phobie à l’égard du corps: un corps vivant, une chair ouverte et qui saigne. Le rêve huguenot était de substituer une parole à ce corps. Les lettres calligraphiées que l’on mange à pleine assiette à Sancerre, le code que l’on superpose à l’insultante silhouette de la vierge brésilienne rendent compte de cette volonté d’en finir avec le substrat charnel du signe. Telle est en définitive l’intention qui préside à l’interprétation calviniste de la Cène comme mémorial.

Mais las, la chair inexorable revient. Au lieu de lire des caractères sur la rondeur chaude et vivante des êtres, voilà que des chairs tout à la fois savoureuses et répugnantes transparaissent sous les mots, remontent à la surface du sacrement, envahissent le rituel et le ravalent au rang d’une orgie bestiale. Non seulement, par rapport aux religions primitives, le christianisme dans sa variante romaine ne marque aucun progrès, mais il représente en ce sens le comble de la régression.

L’anthropophagie rituelle des Tupinamba est de type exogène[33]. Elle s’exerce sur la personne du prisonnier de guerre qui, une fois assommé devant le village rassemblé, est lavé par les femmes, découpé et cuit sur le boucan, sorte de claie de bois ou la chair est fumée. Le repas qui s’ensuit est le fait de la communauté tout entière, ou, quel que soit le nombre des convives, chacun, de l’enfant au vieillard et selon des modes de cuisson qui différent en fonction de l’âge et du sexe, reçoit sa part de la victime[34]. Le rite cannibale partage ce caractere communautaire avec l’anthropophagie symbolique de l’Eucharistie, qui réalise la comrnunion des fidèles dans le sacrifice du Fils de Dieu.

Mis à part cette dimension sociale et universelle du rite, tout sépare les deux cuisines. Le festin tupinamba clôt un processus culinaire normal allant du vivant au mort et du cru au cuit. II tend à réduire, comme c’est le but de toute cuisine cannibale, le scandale de l’autophagie. L’horreur suscitée par le boucan chargé de membres humains tient précisément à la ressemblance de la viande morte avec la chair vivante, dans ses parties les moins comestibles: tête, mains, pieds, qui sont aussi les moins transformables par la cuisson. De plus, cette préparation alimentaire va de l’unité anatomique de l'”homme sur pied” à la diversité des plats fumés ou rôtis, liquides ou solides, qui sont distribués aux convives selon l’âge, le sexe et le rang social de chacun: graisse pour les vieilles qui en sont particulièrement friandes, sang dont on barbouille les enfants à la mamelle, chair musculeuse pour les hommes adultes, parties génitales pour les femmes enceintes, etc.

L’Eucharistie catholique procède exactement au rebours, et renverse par là même le processus culinaire habituel. Elle transforme le cuit initial (le signifiam pain) en un cru symbolique (la chair du Christ vivant). Au lieu d’opérer le découpage de l’aliment non préparé et de séparer ses différents constituants, elle réalise la fusion d’une dualité (vin et sang, liquide distinct du solide) en une seule entité (l’hostie vivante reproduisant le corps glorieux du Christ).

C’est par le geste de l’attinction, lorsque l’hostie est plongée dans le sang de la coupe, que se découvre le sens de cette cuisine inverse:

Et ces gentils Bouchers ici meslent de ceste chair parmi leur sang qu’ils ont, et y mettent d’autres drogues et espiceries, assavoir Enchanteries et Superstitions[35].

Alors que la cuisine a d’ordinaire pour fonction de distribuer des éléments morts à partir d’une unité vivame, la messe catholique, par la magie du rite, prétend restituer une synthèse vivante à partir de produits déjà élaborés et rendus inertes, tels que vin fermenté et pâte cuite.

À travers cette critique de l’Eucharistie par le cannibalisme des Tupinamba, les calvinistes entendent montrer que l'”hérésie” catholique de l’Eucharistie est double: d’abord, parce qu’elle se fonde sur la perversion anthrópophage; ensuite, parce qu’elle inverse cette anthropophagie elle-même, en en faisant une opération régressive de retour au cru.

Les Tupinamba du Brésil reprendront du service beaucoup plus tard dans la polémique huguenote. Lorsque, à la veille de la conclusion de l’Édit de Nantes, les protestants s’inquiètent des exhumations auxquelles procedent un peu partout les catholiques, vidant leurs cimetières de tout cadavre “hérétique”, ils ne peuvent faire moins que d’invoquer l’exemple des Toupinambauds et des Margajas, moins barbares en comparaison. C’est ainsi que s’expriment au printemps 1597 les Plaintes des Eglises réformées de France: “Les Margajas, les Toupinambauds remplissent leurs emrailles de la chair de ceux qu’ils ont mis à mort. [… ] Le Toupinambaud ne mange que le Margajas, et le Margajas n’est glouton que du Toupinambaud; encare ne le font-ils que pour rendre la pareille… Pour le faire, ne violent point les tombeaux[36]. On voit par cette référence à la haine légendaire des Toupinambaux et des Margageats (ou Marakaia) que Jean de Léry est devenu à cette date une sorte de “classique du protestantisme”. Une fois encore, le catholique est plus inhumain que le cannibale qui donne son ventre pour sépulture à l’ennemi et fait sienne sa chair. Une nouvelle fois, cette barbarie catholique retourne en quelque sorte la barbarie exotique: au lieu de digérer l’intrus fibre apres fibre, elle l’expulse violemment, jusqu’à arracher à la terre “une chair pourrie, puante, un crâne hideux, des os tout démanchés et vermoulus, tout pleins d’horreur[37].”. De sorte que le catholique, qui tout à la fois affirme la réalité de la transsubstantiation et déterre le corps mort de son ennemi pour le jeter aux chiens et aux loups, conjugue anthropophagie et anthropémie[38]. II mange le sacro-saint cadavre du Christ et vomit, presque littéralernent, celui du protestant, additionnant les infamies en sens contraires.

III. LE PROBLEME DE LA GRÂCE

Au rebours de la vision prospective esquissée par André Thevet dans Les Singularités de la France Antarctique, qui précede son témoignage de quelque vingt ans[39], l’Histoire d’un voyage de Jean de Léry, postérieure à l’abandon de la France Antarctique, est un texte nostalgique, fondé sur le regret et le remords, tout comme la littérature ethnologique, qu’elle crée en quelque manière.

La vision des lointains est restituée par Léry dans ses moindres composantes sensibles. La narration abonde en phénomènes de mémoire involontaire, d’origine olfactive, gustative ou auditive. L’odeur d’amidon du manioc râpé transporte soudain le Brésil et ses fêtes dans la campagne bourguignonne des jours de lessive – et c’est, sur le mode sauvage, l’humble et rustique ancêtre de la madeleine de Proust. Les parfums entêtants de la forêt tropicale, la lancinante mélopée des danseurs produisent de la même manière le miracle d’une présence intacte. En dépit de ce réminiscences qui paraissent en suspendre la mine inéluctable, l’Eden brésilien n’en est pas moins menacé à terme. Cette précarité en fait tout le prix. Elle en rehausse la saveur. L’ambigüité d’une telle attitude éclate dans l’aveu final du narrateur: “Je regrette souvent que je ne suis parmi les sauvages[40]. C’est l’exil qui fonde la beauté du sauvage; c’est sa mort virtuelle et, au-delà, sa damnation probable qui le rendent désirable. Vingt années exactement séparent le séjour brésilien de Léry de la publication de son témoignage: vingt années remplies par le fracas des guerres civiles et les vicissitudes d’une carrière pastorale dans une France déchirée entre protestants et catholiques. L’Histoire d’un voyage ne serait pas empreinte de cette magie communicative s’il n’y avait, formant écran entre le tableau enchanté du Brésil et le narrateur, la hantise des guerres de Religion et de leurs atrocités récentes. De même la Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste s’interposent entre le séjour de Claude Lévi-Strauss au Brésil dans les années 30 de ce siècle et la parution en 1955 de Tristes tropiques, ce voyage philosophique qui réécrit Léry à travers Jean-Jacques Rousseau. Quinze ans d’intervalle seulement, mais emplis de quelle Apocalypse, approfondissent ici le deuil des origines radieuses. Le Brésil, dans les deux cas, est placé entre l’Éden et l’Apocalypse, tout juste sorti de l’un et déjà prêt à verser dans l’autre.

En filigrane du spectade d’une Nature déchue sans doute, mais presque intacte encore, se perçoit la rémanence d’une barbarie sans nom, pire incomparablement que celle des sauvages prétendus. Dans le chapitre consacré à l’anthropophagie rituelle des Tupinamba et sans cesse augmenté au fil des éditions successives de l’Histoire d’un voyage, Léry dresse en vis-à-vis, comme les deux pans d’un diptyque, le tableau de cette cuisine rituelle et celui des horreurs commises en France, où il est arrivé qu’une vengeance perverse conduise au crime de cannibalisme.[41]

Tout l’effort de ce texte rétrospectif est en définitive de conjurer l’éloignement inéluctable d’origines de toute manière perdues: la chute d’Adam n’en finit pas de produire ses conséquences dévastatrices, et la catastrophe de la conquête espagnole en est l’ultime confirmation. Car sur le paysage des origines plane l’Ange de l’Apocalypse, déjà venu visiter les Indiens en des temps antérieurs, comme en témoigne leur tradition orale[42]. Soumis à l’empire du péché origine! et se refusant au bénéfice de la grâce, les voilà donc promis à une perdition certaine. Ainsi donc, comme le croyaient déjà Chritophe Colomb et les missionnaires franciscains du Mexique, comme le soulignait à son tour Bartolomé de Las Casas dans sa Très Brève Relation de la destruction des Indes, la Découverte de l’Amérique est pour Léry le signe d’un achêvement, que confirme à sa manière l’échec colonial de la France Antarctique. Nouveau Monde, décidément, rime avec fin du monde.

L’Histoire d’un voyage poursuivrait en ce sens un dessein guère moins ambitieux que celui de A la recherche du temps perdu. Car l’entreprise littéraire de Léry est en dernière instance d’ordre métaphysique. Elle voudrait retenir l’écoulement général du temps; elle ambitionne une victoire sur l’empirement irrémédiable de l’Histoire universelle. Le recours si fréquent au procédé de l’ekphrasis – ces tableaux peints enchâssés dans la narration – pour représenter les Indiens en pied et dans les postures les plus variées, du défilé de mode à la gesticulation guerrière, tend à immobiliser ce glissement du Nouveau Monde et de ses habitants vers l’abîme. Plus durable que l’airain, l’écriture est précisément ce qui peut donner l’illusion d’un éternel présent. Elle donne à voir et à toucher du doigt ce qui, sans doute, par-delà les mers, est en train de disparaître à tout jamais.

Encore cette entreprise n’est-elle pas toujours couronnée de succès. Certes, par une sorte d’hallucination continuée, les Indiens, grands et petits, continuent de se représenter, en chair et en os, et dans leurs moindres attitudes, à l’entendement du voyageur. “II m’est advis, dit Léry, que je les voye tousjours devant mes yeux.” Mais il a beau entretenir en lui ce mirage né de la volonté, il a beau nourrir cette rémanence visuelle de toute sa nostalgie et de toutes les déceptions présentes, force lui est d’avouer qu'”à cause de leurs gestes et contenances du tout dissemblables des nostres, il est malaisé de les bien representer, ni par écrit, ni même par peinture[43]”. En dépit des efforts de l’écrivain, la perte de l’autre, cette perte amoureuse aggravée par la distance, est irrémédiable. Il appartient à l’autobiographie d’accomplir le lent travail du deuil et de joindre à ce rite littéraire les raisons de la théologie.

Cependant Léry ne nie pas le processus historique, bien au contraire. Comme I’a montré Michel de Certeau[44], l’éloge de l’écriture – au double sens de technique de transmission du langage et de livres sacrés – permet à Léry de diviser l’humanité en deux. Les “peuples sans écriture”, comme le disaient naguère encore les anthropologues, sont en conséquence non seulement privés d’histoire, mais de salut. Car ils n’ont par eux-mêmes nul accès aux vérités contenues dans la Bible. Or pour le calviniste rigoureux qu’est Jean de Léry, l’Écriture sainte est l’unique truchement par lequel la Parole de Dieu se révele au croyant sincère.

II en est un autre sans doute: le Livre de la Nature largement ouvert aux yeux des simples et des enfants. Et Dieu sait si ce livre de plantes et d’arbres, de bêtes et d’oiseaux, étale à travers les étendues du Nouveau Monde ses pages les plus richement enluminées. Se souvenant de l’action de grâces du prophète au Psaume 104, Léry peut s’exclamer: “Heureux les peuples qui y habitent, s’ils cognoissoyent l’auteur et Createur de toutes ces choses[45].” Mais pas plus qu’ils ne savent entendre la voix des missives que les chrétiens s’adressent les uns aux autres, les Brésiliens ne sont à même de déchiffrer les caractères inscrits dans le paysage immense de leurs forêts et de leurs montagnes. C’est une humanité aveugle et nomade qui marche sans connaissance, fort éloignée de la vérité qui s’énonce pourtant sous ses pas, à chaque moment de son errance interminable. Or Calvin I’avait affirmé au premier chapitre de I’Institution de la religion chrétienne: “De quelque côté qu’on tourne les yeux, il n’y a nulle si petite portion du monde en laquelle ne reluise pour le moins quelque étincelle de [l]a gloire [de Dieu]. Singulièrement on ne peut d’un regard contempler ce beau chef-d’reuvre du monde universel en sa longueur et largeur, qu’on ne soit, par manière de dire, tout ébloui d’abondance infinie de lumiere […].II y a infinis arguments, tant au ciel qu’en la terre, qui testifient sa merveilleuse sapience[46].” Ce qui rend les habitants du Brésil d’autant plus impardonnables.

De la condamnation morale que prononce chaque page de I’Histoire d’un voyage à I’encontre d’une Europe abâtardie et persécutrice, oublieuse de la loi divine, ne résulte donc aucun bénéfice direct pout les hommes du Nouveau Monde. Car I’échec spirituel est patent. Par le mauvais vouloir d’Indiens qui refusent d’abandonner le vieil homme pour embrasser l’Evangile, la mission est compromise des avant l’abandon militaire de la France Antarctique du Brésil en mars 1560. De ce point de vue, et quoiqu’il regrette hautement I’occasion perdue par Villegagnon d’offrir à la communauté réformée une terre de peuplement[47], Léry n’est pas loin de douter du bien-fondé de la colonisation: l’Indien étant inconvertible, ainsi que I’échec de la colonie française du Brésil l’a montré, les Espagnols et les Portugais n’ont aucun droit à occuper ses terres sous prétexte d’évangélisation. A l’instar de ses coreligionnaires, Léry adhère sans restriction à la leyenda negra anti-espagnole, tirée par le parti huguenot de la Très Brève Relation de la destruction des lndes du dominicain Bartolomé de Las Casas. Léry peut alors dénoncer les horreurs commises au nom de la Croix. L’autre est protégé dans son intégrité physique, dans le moment même ou il est écarté du rachat.

D’où le rejet qui frappe les Indiens au terme du chapitre XVI, de “ce qu’on peut appeler religion entre les sauvages ameriquains”, et qui sanctionne a contrario I’élection des justes. L’admiration que Léry éprouve à leur endroit coexiste chez lui avec un pessimisme historique fondamental, qui exclut ces mêmes peuples du plan divin de la Rédemption. II voit en effet en eux, à la suite de l’Espagnol Lopez de Gomara, “un peuple maudit et delaissé de Dieu[48]”. C’est, à n’en pas douter, la descendance de Cham, celui de ses trois fils sur lequel Noé, au lendemain du Déluge, a jeté une malédiction éternelle. Face au spectacle des Brésiliens “visiblement et actuellement” tourmentés par le démon, Léry est confirmé dans sa foi, “ayant fort clairement cogneu en leurs personnes la difference qu’il y a entre ceux qui sont illuminez par le sainct Esprit, et par !’Escriture saincte, et ceux qui sont abandonnez à leur sens et laissez en leur aveuglement[49]“. On ne saurait prononcer une discrimination plus tranchée.

Le miracle opéré par l’écriture ne vaut des lors que pour les quelques privilégiés qui savent lire et savent entendre. À eux seuls revient d’ores et déjà le profit moral et spirituel que leur apporte l’Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil; à eux seuls appartiendra la jouissance du royaume éternel. En ce sens le récit de Léry est une récitation. Il réitere, sur le mode personnel, le texte premier de la Bible. L’omniprésence des Psaumes et du Livre de Job confère à cette odyssée au pays des cannibales la dimension mythique d’une répétition. Béhémot et Léviathan guettent les voyageurs au passage des solitudes atlantiques. Une rémanence de l’Éden perdu colore les forêts ensoleillées du Brésil, aux frondaisons remplies d’aras. Le Déluge, dont l’écho lointain est parvenu jusqu’aux Indiens, en dépit de leur fâcheuse absence de mémoire, s’actualise dans les tempêtes de l’interminable retour vers la France et la hantise du naufrage qui guette les rescapés.

L’Histoire d’un voyage nous décrit en définitive le cheminement d’une rédemption. Lerrance lointaine, au péril du corps et de l’âme, s’oriente, par-delà l’épreuve de la mort, en récit de vocation: à son retour en France, le jeune cordonnier curieux de nouveautés, passionné d’exotisme, deviendra pasteur de l’Eglise réformée. L’aventure se clôt par une action de grâces, tirée du cantique d’Anne, dans le livre de Samuel: “L’Eternel est celuy qui fait mourir et fait vivre, qui fait descendre en la fosse et en fait remonter[50].” Mais cette résurrection ne vaut ici que pour la petite communauté des réfugiés, réunie autour de la clarté qui monte du livre, dans le recueillement de la prière. Abandonné aux ténebres extérieures, repoussé dans les profondeurs d’un continent dévasté par une conquête brutale, l’Indien, décidément, représente la part du feu.

Avec lui la tentation de l’impossible retour vers l’Éden s’est manifestée une dernière fois à la conscience moderne, qui s’invente et se découvre dans ce texte fondateur, marqué par le travail du deuil. L’homme des origines, cet éternel revenant dont l’Histoire d’un voyage diagnostique l’état de mort paradoxale, n’a pas fini pour autant de hanter le discours de l’Occident. Les figures bibliques de l’enfant de Caïn et du fils de Cham vont être relayées bientôt par un avatar promis à un bel avenir, celui du Bon Sauvage des Philosophes. Jean de Léry sera beaucoup lu au siècle des Lumières: Bayle, Locke et plus tard l’abbé Prévost, Rousseau, Diderot et Raynal en feront, bien avant Claude Lévi-Strauss, leur “bréviaire”[51]. À une époque ou l’athéisme supposé des peuples primitifs a cessé de faire peur, où son exemple peut au contraire servir d’allié occasionnel dans la lute contre l’obscurantisrne et l’intolérance, la peinture de l’homme de la Nature, une fois laïcisée et débarrassée de toute connotation péjorative, devient pleinernent favorable. Réinventée par un XVIIe siècle qui ne croit plus guère au péché originei, l’image de l’Indien libre et nu brille d’une nouvelle jeunesse. Elle quitte alors l’Amérique pour les îles, et les rivages du Brésil pour les solitudes insulaires du Pacifique. Le Tahitien de Bougainville et de Diderot remplace le Tupinarnba de Léry et de Montaigne. Comme lui, il pratique une hospitalité généreuse, jusqu’à offrir ses filles à l’étranger de passage. Ignorant les tabous pernicieux d’une civilisation cruelle et intolérante, et gardant intactes en lui les vertus originelles, il devient le double idéal et rêvé de l’Européen. À l’aube de la Révolution, il cristallise cette aspiration au renouvellernent du vieil homme qui va bouleverser l’ancien monde.

Notes

  1. Frank Lestringant, Le Huguenot et !e sauvage. L’Amérique et la controverse coloniale, en France, au temps des guerres de Religion, 3e éd. augmentée, Droz, Geneve, 2004, chap. 1-III, pp. 39-204. Id., L’Expérience huguenote au Nouveau Monde (XVIe­ XVIIIe siècles), Droz, Genève, 1996.
  2. Je résume ici une réflexion développée dans Une sainte horreur, ou le voyage en Eucharistie (XVIe– XVIIIe siècle), PUF, Paris, 1996, chap. IV, pp. 85-111.
  3. Jean de Léry, Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil (1580), LGF, Paris, “Bibliothèque classique”, 1994, chap. VI, p. 166.
  4. Ibid., p. 167.
  5. Pierre Chaunu, Église, culture et société, Sedes, Paris, 1981, pp. 31-33.
  6. Richard Verstegan, Typus Ecclesiae Catholicae et signa quibus ea cognoscitur/!Typus Hereticae Synagogae et eiusdem proprietates, épître dédicatoire adressée à Henri de Lorraine, duc de Guise, et datée du 3 janvier 1585. Une taille-douce de 338×495 mm. BNF, Estampes: Qb 1585 (Qb 4). Voir, au volet droit, le premier tableau en haut à gauche, intitulé “Novitas”.
  7. Bernard Roussel, “Faire la Cène dans les églises réformées du royaume de France au XVI e siècle (ca. 1555-1575)”, in Archives de sciences sociales des Religions, janvier­ mars 1994, 85, pp. 99-119, et notamment pp. 99-100. Cf, du même, “Comment faire la Cène? Rite et retour aux Écritures dans les églises réformées du royaume de France au XVIe siècle”, in Evelyne Patlagean et Alain Le Boulluec (éd.), Les Retours aux Écritures. Fondamentalismes présents et passés, Bibliothèque de l’École des hautes études, Section des sciences religieuses, vol. XCIX, Peeters Press, Louvain-Paris, 1993, pp. 195-216.
  8. J. de Léry, op. cit., chap. VI, p. 175.
  9. L’expression est de J. de Léry, ibid.
  10. J. de Léry, op. cit., chap. VI, p. 177: “Mais qui pis estoit, à la maniere des sauvages nommez Ouëtacas, dont j’ay parlé ci-devant, ils la vouloyent mascher et avaler toute crue.” Cj chap. V, p. 153.
  11. Ibid., chap. VI, p. 194.
  12. D’après Jean Crespin, Histoire des Martyrs (Genève, 1564), cité par Emile G. Léonard, “La Confession de foi brésilienne de 1557”, in Archiv for Reformationsgeschichte, Jahrgang 49, 1958, p. 205.
  13. Geneviève Guilleminot, Religion et politique à la veille des guerres civiles: recherches sur les impressions françaises de l’année 1561. Thèse de l’École des Chartes, ex. dactylographié, Paris, 1977.
  14. Henri Estienne, Introduction au Traité de la Conformité des merveilles anciennes avec les modernes, ou Apologíe pour Herodote, Genève, 1566, “Au lecteur”, f. â 6 rº: “Considerons donc sans passion, que nous dirions si Herodote ou quelque autre historien ancien nous racontoit qu’en quelque pays les hommes seroyent theophages (c’est-à-dire mangedieux) aussi bien qu’ils racontent de quelques anthropophages, elephantophages, acridophages, phthirophages, et autres: dirions-nous pas ceste theophagie estre incroyable […]”.
  15. Pour cette conception, voir Michel de Certeau, La Fable mystique, Gallimard, Paris, 1980, p. 111. Cf Henri de Lubac, Corpus mysticum, Aubier, Paris, 2e éd., 1949.
  16. Sur cette affaire au retentissement considérable, voir Irena Backus, Le Miracle de Laon. Le déraisonnable, le raisonnable, l’apocalyptique et le politique dans les récits du miracle de Laon (1566-1578), Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1994. Les principaux éléments du dossier ont été réunis par Irena Backus dans son édition critique de Guillaume Postel et Jean Boulaese, De Summopere (1566) et Le Miracle de Laon (1566), Droz, Genève, 1995. Cf Thierry Wanegffelen, La France et les Français XVIe-milieu XVIIe siècle. La vie religieuse, Ophrys, Gap et Paris, 1994, pp. 71- 77, où est commenté un extrait de l’apologie de Jean Boulaese. Cf encore François Secret, L’Ésotérisme de Guy Le Fèvre de La Boderie, Droz, Genève, 1969, pp. 17-18.
  17. Guillaume Postel, De summopere (1566), édition critique et traduction par Irena Backus, Droz, Genève, 1995, pp. 37-38.
  18. lbid.: “sacrosanctum illud cadaver, sive stoma aut, ut syriace Christus dixit, pagro corpusve cui semper divinitas adhaeret habitando ibi corporaliter”.
  19. J. de Léry, Histoire d’un voyage, op. cit., chap. VI, pp. 161-196: “De nostre descente au fort de Coligny en la terre du Bresil. Du recueil que nous y fit Villegagnon, et de ses comportemens, tant au fait de la Religion, qu’autres parties de son gouvernement en ce pays-là.”
  20. Ibid., p. 176.
  21. Ibid., chap. I, p. 106.
  22. Pierre Du Moulin, De la vocatíon des pasteurs, Sedan, 1618, livre I, chap. IX, p. 44. Je dois cette référence à Bernard Cottret, “Amitié et fidélité au XVIe siècle: la correspondance de Calvin et de Louis du Tillet (janvier-décembre 1538)”, communication présentée à l’Université Paris 7 Denis Diderot, UFR d’études anglophones, en décembre 1995.
  23. J. de Léry, op. cit., chap. VI, p. 195.
  24. Voir sur ce point Alain Dufour, “Un avis de Calvin à ses disciples qui étaient chez les Topinambous”, in Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, T. 39, 1977, pp. 151-152.
  25. Jean-Didier Urbain, Sur la plage. Mœurs et coutumes balnéaires, Payot, Paris, 1994, pp. 296-297.
  26. J. de Léry, Histoire mémorable de la ville de Sancerre, 1574, éd. Géralde Nakam, Anthropos, Paris, 1975, chap. X, p. 285.
  27. J. de Léry, Histoire d’un voyage, op. cit., chap. VIII, p. 234.
  28. Claude d’Abbeville, Histoire de la Mission des Pères Capucins en l’Isle de Maragnan, François Huby, Paris, 1614, f. 217 rº.
  29. Léry, Histoire d’un voyage, op. cit., chap. VI, p. 181.
  30. Ibid, chap. XVIII, pp. 451-453.
  31. Ibid, chap. XXII, p. 538.
  32. Montaigne, Essais, I, 31, éd. Pierre Villey, PUF, Paris, 1965, p. 209.
  33. Voir Alfred Métraux, L’Anthropophagie rituelle desTupinamba”, chapitre repris dans: Religions et magies indiennes d’Amérique du Sud, Gallimard, Paris, 1967, p. 43-78. Cf Isabelle Combes, La Tragédie cannibale chez les anciens Tupi-Guarani, PUF, Paris, 1992.
  34. J. de Léry, op. cit., chap. XV: “Comment les Ameriquains traitent leurs prisonniers pris en guerre, et les ceremonies qu’ils observem tant à les tuer qu’à les manger.” À partir de la quatrième édition de 1599-1600, ce chapitre est dédoublé en XV etXVI.
  35. Jean-Baptiste Trento et Pierre Eskrich, Histoire de la Mappe-Monde Papistique, en laquelle est declairé tout ce qui est contenu et pourtraict en la grande Table, ou Carte de la Mappe-Monde: Composée par M Frangidelphe Escorche-Messes, “lmprimée en la ville de Luce Nouvelle [Genève], par Brifaud Chasse-diables” [François Perrin], 1567, p. 134.
  36. Plaintes des Églises réformées de France, sur les violences et injustices qui leur sont faites en plusieurs endrois du Royaume, et pour lesquelles elles se sont en toute humilité et diverses fois adressées à Sa Majesté, 1597, pp. 107-108. J’ai consulté l’exemplaire de la Bibliothèque de la Société de l’Histoire du Protestantisme français: Rés. 13493. Autre exemplaire: Rouen, BM: Leber 4144. – Cité et commenté par Bernard Cottret, 1598. L’Édit de Nantes. Pour en finir avec les guerres de Religion, Perrin, Paris, 1997, p. 164.
  37. Ibid., ad loc.
  38. Pour ce concept d’anthropémie, voir Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Plon, Paris, 1955, chap. XXXVIII, pp. 447-448.
  39. André Thevet, Le Brésil d’André Thevet. Les Singularités de la France Antarctique (1557), Chandeigne, Paris, 1997.
  40. J. de Léry, op. cit., chap. XXI, p. 508.
  41. Ibid., chap. XV, pp. 354-377 et 571-595.
  42. Ibid., chap. XVI.
  43. Ibid., chap. VIII, p. 234.
  44. Michel de Certeau, L’Écriture de l’histoíre, Gallimard, Paris, 1975, chap. V, pp. 215-248.
  45. Léry, op. cit., chap. XIII, p. 335.
  46. Jean Calvin, Institution de la religion chrestienne, chap. Ier: “De la congnoissance de Dieu”, texte établi et présenté par Jacques Pannier, Les Belles Lettres, Paris, T. I, 1961, p. 52.
  47. Léry, op. cit., chap. XXI, p. 506.
  48. Ibid., chap. XVI, p. 420.
  49. Ibid., pp. 422-423.
  50. Ibid., chap. XXII, p. 550.
  51. Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, op. cit., chap. IX, p. 89: “Je foule l’Avenida Rio-Branco ou s’élevaient jadis les villages tupinamba, mais j’ai dans ma poche Jean de Léry, bréviaire de l’ethnologue.”